CHAISE A PORTEURS

VERNIS MARTIN

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Chaise à porteurs en vernis européen d’époque Louis XV

Notre rare chaise à porteurs en vernis Martin au somptueux décor polychrome sur fond noir est ornée sur les quatre faces d’une riche et remarquable scène où s’épanouissent de chatoyants bouquets de fleurs, ainsi que de délicates fleurettes sur des branchages flexueux, et où s’animent de gracieux papillons et oiseaux perchés ou voletants. Cet ensemble s’inscrit dans de larges cartouches polylobés et godronnés, dans des moulurations végétales à la belle sinuosité rocaille, mêlant feuillages, roses, volutes, rinceaux, enroulements et coquilles asymétriques.

Cette disposition picturale ornementale confirme la rareté et le luxe de cette pièce d’exception.

La porte en façade, ainsi que les parties latérales présentent des vitres anciennes aux lignes sinueuses marquées par les moulurations rocaille.

Les arêtes des angles des montants présentent un décor de larges sculptures en plein bois de motifs rocaille.

L’intérieur est garni d’un ancien damas bleu ciel aux pourtours galonnés.

Le dos est orné d’armoiries d’alliances sous couronne de Marquis, symbole de rang social, mais également destinées à reconnaître l’identification du passager.

La toiture, chantournée en dôme, est accostée à chacun des angles par un acrotère en candélabre.

La finesse de structure du corps, composée de fins panneaux de bois tendre, permet d’en alléger la charge.

Elle possède ses deux fers latéraux permettant d’y glisser les « deux bras » ou « bâtons de chaise ». Le plancher n’est pas au contact du sol, il pose sur quatre petits pieds fortement sculptés.

Dimensions :
Hauteur : 172 cm
Largeur : 88 cm
Profondeur : 50 cm


Epoque XVIII° siècle – Louis XV

Provence – Italie

Cette chaise à porteurs est en très bel état de conservation, l’entier décor en vernis MARTIN est conservé, il est d’origine.

Minimes restaurations d’usages et d’entretien

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C’est au XVI siècle en Angleterre qu’apparait la chaise à porteurs munie de brancards. Elle fut introduite en France dans les années 1640. La chaise à porteurs connait vite un réel engouement et devient le mode de transport privilégié de l’aristocratie et de la bourgeoisie des grandes villes de la fin du XVII° siècle jusqu’au milieu du XIX° siècle. Le Surintendant du Roi, Nicolas FOUQUET adopte très vite (1660 ?) ce nouveau moyen de déplacement qui est repris par Versailles après sa déchéance. Un service des « garçons porte-chaise » est alors créé.

Il est un grand privilège d’en être choisi par le Souverain.

Symbole de luxe :

Pour la construction des chaises, nous trouvons les mêmes corps de métier que pour les voitures. Les menuisiers pour l’ossature, les artisans carrossiers- selliers, garnisseurs pour l’habillage. Les artistes doreurs, peintres, vernisseurs pour le décor de l’embellissement de tous les panneaux de la caisse… et sculpteurs pour ce qui concerne la pièce que nous présentons. Confortable et élégant moyen de transport privé, cette « chaise » stationne dans le hall d’entrée des hôtels particuliers. La chaise à porteurs était destinée à atteindre la destination de son propriétaire sans avoir à poser le pied sur le sol souvent boueux et encombré des villes. Rappelons le Paris de l’époque si bien décrit par Nicolas BOILEAU (1636-1711) dans sa sixième Satyre « Les Embarras de Paris ». * Annexe

Destructions et déprédations :

Si pendant presque deux siècles, il a été construit un grand nombre de chaises à porteurs, la Révolution a mis au pas la fabrication et l’utilisation de ce symbole de luxe et de richesse des nantis de l’Ancien Régime.

De plus, sa fonction obligeait une certaine légèreté du bâti associé à de magnifiques mais délicats décors peints mis à l’honneur par les Frères Guillaume et Etienne-Simon MARTIN ou la collaboration de peintres tels HUET ou BOUCHER. Rappelons que dès 1728, les frères MARTIN créèrent des œuvres originales grâce à leur technique mise au point d’un vernis à base de copal imitant l’art des laques extrême- orientales d’une grande finesse. Ils s’inspirent des compositions des porcelaines chinoises et principalement des décors floraux pour parer les galbes des plus belles pièces d’ébénisterie. De plus, l’avignonnais Antoine VERNET, père du peintre Joseph VERNET (1689-1753 peintre de la Marine de Louis XV) et enregistré « peintre de paysages et de voitures », était également en collaboration avec les frères MARTIN.

Ces pièces ont donc trop été soumises aux aléas des déprédations au cours des siècles

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Notre appréciation :

La chaise à porteurs du milieu du XVIII° siècle et d’époque Louis XV en vernis MARTIN est rare sur le marché.

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Annexe :

Nicolas BOILEAU
1636 – 1711

Satyre 6

Les embarras de Paris – Extrait

Là, sur une charrette une poutre branlante
Vient menaçant de loin la foule qu’elle augmente ;
Six chevaux attelés à ce fardeau pesant
Ont peine à l’émouvoir sur le pavé glissant.
D’un carrosse en tournant il accroche une roue,
Et du choc le renverse en un grand tas de boue :
Quand un autre à l’instant s’efforçant de passer,
Dans le même embarras se vient embarrasser.
Vingt carrosses bientôt arrivant à la file
Y sont en moins de rien suivis de plus de mille ;
Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux
Conduit en cet endroit un grand troupeau de boeufs ;
Chacun prétend passer ; l’un mugit, l’autre jure.
Des mulets en sonnant augmentent le murmure.
Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés
De l’embarras qui croit ferment les défilés,
Et partout les passants, enchaînant les brigades,
Au milieu de la paix font voir les barricades.
On n’entend que des cris poussés confusément :
Dieu, pour s’y faire ouïr, tonnerait vainement.
Moi donc, qui dois souvent en certain lieu me rendre,
Le jour déjà baissant, et qui suis las d’attendre,
Ne sachant plus tantôt à quel saint me vouer,
Je me mets au hasard de me faire rouer.
Je saute vingt ruisseaux, j’esquive, je me pousse ;
Guénaud sur son cheval en passant m’éclabousse,
Et, n’osant plus paraître en l’état où je suis,
Sans songer où je vais, je me sauve où je puis.
Tandis que dans un coin en grondant je m’essuie,
Souvent, pour m’achever, il survient une pluie :
On dirait que le ciel, qui se fond tout en eau,
Veuille inonder ces lieux d’un déluge nouveau.
Pour traverser la rue, au milieu de l’orage,
Un ais sur deux pavés forme un étroit passage ;
Le plus hardi laquais n’y marche qu’en tremblant :
Il faut pourtant passer sur ce pont chancelant ;
Et les nombreux torrents qui tombent des gouttières,
Grossissant les ruisseaux, en ont fait des rivières.
J’y passe en trébuchant ; mais malgré l’embarras,
La frayeur de la nuit précipite mes pas.