CARTEL D’APPLIQUE

« Aux Amours »

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Un rare et important cartel d’applique en bronze ciselé et doré au décor d’Amours

Un rare et important cartel d’applique d’apparat de forme mouvementée en bronze richement ciselé et doré attribué à Jean-Joseph de Saint-Germain, le mouvement et le cadran signés Ageron à Paris – Epoque Louis XV.

La partie supérieure est ornée d’un duo de putti ailés en ronde bosse. Ils sont représentés sous un dais aux treilles ajourées. Le premier est muni de son carquois. Le second est présenté avec un aigle posé sur le revers de sa main. Ils contemplent tous deux le fier volatile aux ailes déployées.

Ils sont assis sur le cadran circulaire émaillé signé Ageron à Paris. Les heures sont indiquées en chiffres romains et les minutes en chiffres arabes par tranche de cinq. Les aiguilles finement ouvragées en laiton repercé et doré.

Un foisonnant décor végétal virevoltant au décor asymétrique de fleurs épanouies, de feuillages, d’acanthes involutées, branchages fleuris s’organise d’une manière parfaitement vivante autour de ce cadran central.

Au bas, l’oculus du balancier présente un cartouche asymétrique ainsi qu’une ouÏe en laiton découpé au décor de croisillons entremêlé de motifs quadrilobés.

– La platine arrière signée AGERON à Paris
– Le mouvement d’origine

Epoque Louis XV

Le mouvement d’origine en parfait état de marche sonne les heures et les demies, il a été « rhabillé *» par notre artisan horloger diplômé.
* C’est-à-dire : entièrement démonté, nettoyé, vérifié, restauré si besoin pour être en parfait état d’un fonctionnement garanti.

François AGERON :
« Figure parmi les plus importants horlogers parisiens du XVIIIe siècle. Après son accession à la maîtrise le 17 juillet 1741, il installe son atelier successivement place du Pont Saint-Michel, quai des Augustins, rue Saint-Louis au Palais et place Dauphine. Il acquiert rapidement une grande notoriété auprès des grands collectionneurs parisiens d’horlogerie et se distingue par ses mouvements, souvent à complication. A l’instar des plus talentueux horlogers de son temps, il collabore pour la création des caisses de ses pendules avec les meilleurs artisans, notamment l’ébéniste Balthazar Lieutaud et les fondeurs-bronziers Jean-Joseph de Saint-Germain**, Caffieri et Robert Osmond. Il cesse son activité au début des années 1780 et son fonds de commerce est vendu le 31 mai 1784. Il serait donc mort peu après 1783. »

** Jean-Joseph de Saint-Germain : l’un des plus grands bronziers du règne de Louis XV.

Les branchages, les fleurettes sont très naturalistes. Ils sont ciselés à la manière, à la précision et à la minutie du travail d’un grand maître ciseleur-doreur. Un décor exceptionnel.

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LE BRONZE DORE AU TEMPS DE LOUIS XV

Un résumé de l’organisation des corporations, de la technique, du savoir-faire et de la réalisation d’une pièce majeure en bronze doré à l’or-moulu à cette époque.

Il fallut attendre le règne de Louis XVI pour que les fondeurs et doreurs ne se réunissent en une seule jurande en 1776. Sous l’ancien régime, on compte en effet trois opérations principales pour l’élaboration d’un bronze doré, soit la fonte, la ciselure et la dorure. Deux grands métiers participent alors à cette fabrication : les fondeurs et les doreurs. Or, tous deux réclament le droit de ciseler l’œuvre. Ils se disputent même le droit de porter le titre de « ciseleurs » ». On assiste à de réelles rivalités, ruses, querelles et diverses procédures afin d’utiliser le précieux ciselet.

Il faut dire que les statuts dataient du XVI° siècle. Les statuts des « fondeurs mouleurs en sable et bossetiers » de Paris sont datés d’août 1572. Ceux des « doreurs sur fer, fonte, cuyvre et laiton » de Paris ont été signés en août 1573 et enregistrés au Parlement au temps de Henri III, le 9 juillet 1586. « Peu à peu, les fondeurs revendiquent le droit de faire usage du ciselet pour ébarber, agréer, et achever leurs bronzes à la sortie du moule, mais les doreurs présentent posséder le privilège de ciseler les mêmes bronzes avant de les dorer ». En effet, Les doreurs, proches des orfèvres, employaient comme eux l’or et l’argent.

A cette époque on recense près de 767 fondeurs, 537 doreurs, 258 graveurs. Et tout comme la corporation des menuisiers-ébénistes, ces corps de métiers pouvaient également bénéficier de lieux privilégiés tels que les Galeries du Louvre ou le Faubourg Saint-Antoine par exemple.

Passons les querelles corporatistes et penchons-nous sur le process de l’élaboration d’une œuvre en bronze ciselé et doré.

Plus de dix acteurs participent à l’exécution d’une pièce telle notre cartel à poser :
1/La commande initiale insufflée par le marchand mercier, le collectionneur ou la mode de l’époque
2/L’architecte, décorateur, ornemaniste, sculpteur ou peintre dessine le projet.
3/ Le sculpteur donne ensuite forme au dessin et précise le volume. Il peut être en terre, en cire ou en bois.
4/ Le fondeur-mouleur prépare son moule en bois pour la coulée du métal.
5/ Puis vient l’exécution de la reparure : le fondeur répare son bronze afin d’ôter les défauts résultant de la coulée du métal en utilisant des limes, des burins, des échoppes, des ciselets, etc…).
6/ Le bronze reçoit une ciselure avant la dorure à l’or moulu. Définit les surfaces lisses ou matées. La ciselure est également définie selon la commande, le prix, la dextérité et la virtuosité de l’artisan. Il doit manier le marteau avec force et souplesse selon le choix de ses ciselets (traçoir, gaudronnoir, planoir, perloir, ovoir, frisoir, bouge, échoppe, burin, pointe, brunissoir, matoir et rifloir). Ces opérations s’exécutent avant et mais également après la dorure.
7/ Les maîtres ciseleurs-doreurs s’attèlent alors à la dorure à l’or-moulu en répétant l’opération pour obtenir une dorure plus ou moins épaisse.
8/ La finition : polissage et brunissage. La reprise est exécutée au rifloir, au grattoir ou à la gougette les parties matées.
9/ Une dernière retouche peut être exécutée : la mise en couleur de l’or pour harmoniser la commande entre les ors des meubles, des boiseries et des bronzes : le secret du doreur !!!
10/ La monture : l’assemblage des divers éléments. La monture à froid par vis et écrous ou la monture par soudure.
11/ Le maître horloger et la signature de son mouvement.

Tous ces intervenants ont participé à créer le mouvement de souplesse d’harmonie et d’équilibre de notre cartel.

Références bibliographiques :
– Pour les bronzes dorés : VERLET Pierre, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, ed Picard, 1999
– Pour François Ageron : https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Fran%C3%A7ois_Ageron